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Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/124

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sur la culasse de son cheval qui se débarrassa du cadavre par une ruade.

— Pour du bel ouvrage, c’est du bel ouvrage, dit Lanfuiné.

— Vive le roi des braconniers ! ajouta Lorillon de Gouttière.

Depuis ce fait d’armes, Giraud était demeuré le chef des maraudeurs, et, monarque sans couronne, conservait néanmoins la majesté et le commandement gagnés devant l’ennemi.

D’ailleurs on le savait de bon conseil, et sa prudence n’était mise en doute par personne.

Le caveau du vieux castel, une fois la paix signée, resta, comme par le passé, l’inconnu et mystérieux asile des braconniers pourchassés, non plus par les Prussiens, mais par la loi.

Lorsque les événements graves survenaient dans leur existence de lutte perpétuelle, ils se réunissaient en cette cave féodale pour délibérer ou préparer une excursion nouvelle.

Or, depuis la chasse fatale où la guerre leur avait été déclarée par le marquis de Curvilliers, ils éprouvaient le besoin de se concerter, afin de parer aux dangers qui se multipliaient.

Billoin, toujours bilieux, s’exténuait dans des veilles quotidiennes. Le garde-chef Loriot organisait des rondes et l’espionnage durant le jour dans les villages habités par les braconniers.

La situation se tendait de plus en plus, devenait intolérable.

Giraud résolut de convoquer les camarades à une réunion dans le souterrain du vieux château ; elle eut lieu pendant une nuit du mois de juillet.

Giraud père, le roi des braconniers, exposa en quelques mots l’objet de la réunion à Lanfuiné du Noyer, Langlois et Ballu de la Soudière, Lorillon et Tâcheux de Gouttière. Le fils Giraud, survenu sur le tard, à cause d’Estelle, envahie cette nuit-là par de sombres pressentiments, fut d’avis d’en finir avec Billoin en lui logeant quelques chevrotines dans la carcasse.

Lanfuiné approuva :

— Puisqu’il est devenu enragé, tant pis pour lui.

— C’est ben grave, dit Lorillon.