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Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/171

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tiers, difficiles à suivre, lui semblaient semés d’écueils inconnus.

Enfin, quand il atteignait sa demeure, il était accueilli plutôt mal par sa ménagère.

— C’est toutes les fois la même chose quand tu vas à Beaumont ; c’est vraiment honteux pour ton âge et pas d’un fameux exemple pour tes hommes. Tu es bien heureux qu’ils ne soient pas comme toi ; car il te serait difficile de leur faire des reproches.

Ces sorties justifiées d’une épouse prévoyante n’avaient point le pouvoir d’assombrir son front ; il devenait même en quelque sorte plus gai ; sur ses joues enluminées s’épanouissait un gros rire d’homme heureux :

— Hé ! s’écriait-il, on ne va pas tous les jours à Beaumont. Et puis du bon cidre ça n’a jamais fait de mal à personne.

— Si tu ne prenais que du cidre…

— Faut bien faire un trou normand par-ci, par-là, sans quoi les liquides noieraient l’estomac.

— Ah ! si M. le marquis était là…

— Tu conviendras qu’on a besoin un peu de vacances, surtout après les terribles journées, plutôt les nuits qu’il nous a fait passer à cause de l’histoire de Billoin.

— Je le lui dirai au marquis.

— Bon il ne manquerait plus que cela ; tu me ferais aller à Monte-à-regret tout de suite.

— Si, je lui dirai.

Alors il riait, riait à perdre haleine, prenait sa femme par la taille et lui débitait des douceurs un peu plus risquées qu’à la Françoise, tout près de l’oreille, si bien que son souffle un peu alcoolisé causait à la pauvre femme des sensations désagréables dans l’appareil auditif, tandis que l’odorat se révoltait contre les vapeurs des petits verres emmagasinés.

— Oui, protestait-elle, on te connaît, c’est toujours la même rengaine. T’es un enjôleur quand tu as du liquide dans le ventre. Les ramasseuses de bois en savent quelque chose.

— Si on peut dire…

— Si on peut dire !!! Mais la Françoise, la Jean-Pierre ne se gênent pas pour me conter tes gentillesses.