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Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/180

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— J’sais ben fieu, mais à quoi que ça t’a avancé ?

— ? ? ?

— À ren, pas vrai. Alors pourquoi que t’en reparles. Moi je dis que maître Beauvoisin n’est pas prêt d’en trouver une pareille.

— Elle était ben regardante, père Mathieu.

— Sûr qu’elle ne te laissait pas saucer ton pain dans les fricots et elle avait raison.

Et le bouvier Mathieu hocha la tête pour mieux accentuer son opinion.

Enfoui dans sa limousine, assis en tailleur sur le sommet d’un sillon, il surveillait ses vaches et ses génisses très occupées à tondre une luzerne maigre de septembre.

Un soleil pâle lançait ses derniers rayons à travers la plaine où les récoltes prochaines s’apprêtaient déjà à pousser et disséquait à coups de rayons les branches noires des pommiers dont les feuilles étaient parties, tuées par des gelées précoces.

Au loin, des coups de fusil de chasseurs qui essayaient la portée de leurs armes sur des perdreaux aguerris, un meuglement de vache saoule, auquel répondaient celles du troupeau entre deux bouchées, et, par instants, les cris aigres des oies se mêlant aux gloussements prétentieux des dindons.

— Tiens, on dirait le maître, s’écria tout à coup le père Mathieu.

C’était lui en effet qui avançait à grands pas, le fusil en bandoulière, précédé par son chien, un bel épagneul de Pont-Audemer quêtant en vain, la queue dans un perpétuel mouvement.

Quand il fut à la hauteur du bouvier, le fermier s’arrêta :

— Eh bien ! père Mathieu, ça va-t-il comme vous voulez ?

— Mais oui, not’e maître. Et vous aussi car vous avez la mine ben trop réjouie pour qu’il en soit autrement.

— Hein, vous voyez ça, vieux papa ? Sûr que je suis content, parce que j’ai trouvé une servante qui vous fera de la bonne cuisine. Ça te va moutard, s’écria-t-il en s’adressant au gardeur d’oies et de dindons. Toi qui es pas mal porté