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Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/66

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Bizais eut toutes les peines du monde à le tirer de cette situation anormale.

Le résultat obtenu, ils se regardèrent consternés et ne songèrent pas à rire comme les augures de la Rome antique.

Puis, découragés, ils rentrèrent, mornes, chacun dans leurs maisons respectives, se promettant bien de ne conter la mésaventure à personne.

Cependant Giraud fils dormait à poings fermés, comme on a coutume de dire, à la ferme Beauvoisin.

Dans la tranquillité des champs il se reposait des fatigues éprouvées et des périls encourus dans le calme apparent de la forêt endormie.

Lorsqu’il traçait un sillon, tandis que les chevaux marchaient d’un pas égal entraînant la charrue, il songeait aux déceptions de Billoin, son ennemi juré.

Pour sûr qu’il devait souffler comme un cheval poussif. Il avait du chien dans le ventre s’il persistait à rester en faction près de la mare, derrière son buisson. Quel rageur que ce Billoin ! Ah ! il n’avait pas volé ce qui lui arrivait. Ça lui apprendrait à être si dur avec le pauvre monde. Il pouvait appeler Estelle : la belle, ce surnom ne lui ferait pas mettre de sitôt la main sur un braconnier.

Autour de lui les étourneaux causaient et les pies jacassaient, la queue en point d’exclamation.

Mais tout à ses pensées, il ne voyait point ce qui se passait alentour. Les étourneaux, ni les pies n’avaient jamais provoqué son attention pas plus que la beauté des sites de la forêt.

Quand les pommiers en pleine floraison avaient de la neige de fruit sur la tête, il marchait à côté, sous eux, entièrement indifférent.

Il s’apercevait de leur présence seulement lorsque les pommes pointaient au sommet des rameaux. Alors il s’écriait :

— Pour une année où y a pas de pommes, y a des pommes. On pourra boire un coup de cidre cet hiver.

Quelques jours après sa rentrée à la ferme, Beauvoisin lui dit :

— Gâs, faudra atteler à la « gribane », la jument grise ; ou plutôt non, elle ne serait pas assez forte, tu prendras les