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Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/98

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Il convient d’ajouter à ces avantages ceux que procure une situation financière et foncière excellente.

Cela les classait, pour les jeunes filles à marier, dans les bons partis.

Aussi les mamans étaient-elles d’une amabilité sans nuages à leur égard.

Les deux frères ne se classaient pas parmi les hommes de taille élevée, mais ils étaient trapus, râblés en Normands. Leurs moustaches très soignées remontaient sur leurs faces vermillonnées de façon à inquiéter leurs yeux d’un bleu d’azur.

Seules les jambes accusaient une origine un peu commune.

Elles avaient une vague tournure d’accent circonflexe, une forme qu’on appelle vulgairement « en manche de veste ».

Les races, du reste, ne s’affinent que lentement et souvent les pur-sang croisés avec les juments normandes ont des produits aux corps sveltes, aux pattes aristocratiques, mais affligés de têtes colossales.

En somme, les frères Soutardier étaient des normands fin de siècle, « à la coule » disait le père Mathieu.

Ils étaient les précurseurs d’une race destinée à s’évader du pays pour devenir, à Paris quelque chose dans le gouvernement, Chambre, Sénat ou ministère.

Un seul autochtone, transplanté à Broglie comme greffier de la justice de paix, pouvait rivaliser d’élégance avec eux. Cet oiseau rare, rarissimus avis, disait Courtamblaize du Réveil démocratique du Neubourg, répondait au nom trivial de Beaugoujat, professait des idées très avancées, presque communardes avec une nuance de provincialisme très accentuée, et était cousin par alliance de Beauvoisin.

Aussi le pharmacien Baratou, enchaîné par le devoir professionnel à son officine, avait-il écrit au fermier une lettre d’excuse dans laquelle il le chargeait de présenter ses hommages au cousin Goujat. « Inutile, ajoutait-il, de parler de l’adjectif, car vous êtes tous des Apollon dans votre famille. »

L’apothicaire adorait ces à peu près. Il disait de lui-même, quand il vantait son esprit de tolérance : je ne suis