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Page:Poisson - Recherches sur la probabilité des jugements en matière criminelle et en matière civile, 1837.djvu/24

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sonnes où les douze jurés auraient été choisis ; conséquence qui me paraîtrait déjà suffisante pour qu’on fût fondé à ne point admettre la formule dont elle est déduite.

Cette même formule suppose qu’avant la décision du jury, il n’y avait aucune présomption que l’accusé fût coupable ; en sorte que la probabilité plus ou moins grande de sa culpabilité, devrait se conclure uniquement de la décision qui serait rendue contre lui. Mais cela est encore inadmissible : l’accusé, quand il arrive à la cour d’assises, a déjà été l’objet d’un arrêt de prévention et d’un arrêt d’accusation, qui établissent contre lui une probabilité plus grande que 1/2, qu’il est coupable ; et certainement, personne n’hésiterait à parier, à jeu égal, plutôt pour sa culpabilité que pour son innocence. Or, les règles qui servent à remonter de la probabilité d’un événement observé à celle de sa cause, et qui sont la base de la théorie dont nous nous occupons, exigent que l’on ait égard à toute présomption antérieure à l’observation, lorsque l’on ne suppose pas, ou qu’on n’a pas démontré qu’il n’en existe aucune. Une telle présomption étant, au contraire, évidente dans les procédures criminelles, j’ai dû en tenir compte dans la solution du problème ; et l’on verra, en effet, qu’en en faisant abstraction, il serait impossible d’accorder les conséquences du calcul avec les résultats constants de l’observation. Cette présomption est semblable à celle qui a lieu en matière civile, lorsque l’un des plaideurs appelle d’un premier jugement devant une cour supérieure : il y paraît avec une présomption contraire à sa cause ; et l’on se tromperait gravement, si l’on n’avait pas égard à cette circonstance, en calculant la probabilité de l’erreur à craindre dans l’arrêt définitif.

Enfin, Laplace s’est borné à considérer la probabilité de l’erreur d’un jugement rendu à une majorité connue ; cependant le danger que l’accusé court d’être condamné à tort par cette majorité, quand il est traduit devant le jury, ne dépend pas seulement de cette probabilité ; il dépend aussi de la chance qu’une telle condamnation sera prononcée. Ainsi, en admettant pour un moment que la probabilité de l’erreur d’un jugement rendu à la majorité de sept voix contre cinq, soit exprimée par une fraction à très peu près égale à 2/7, comme il résulterait de la formule de Laplace, il faut aussi observer que, d’après l’expérience, le nombre de condamnations par les jurys qui ont eu lieu chaque année