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Page:Poisson - Recherches sur la probabilité des jugements en matière criminelle et en matière civile, 1837.djvu/29

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n’aurait aucune valeur sur laquelle il pût compter ; s’il opère sur de très grands nombres, c’est une spéculation dont le succès est à peu près certain.

La même loi régit également les phénomènes qui sont produits par des forces connues, concurremment avec des causes accidentelles dont les effets n’ont aucune régularité. Les élévations et les abaissements successifs de la mer dans les ports et sur les côtes, en offrent un exemple d’une précision remarquable. Malgré les inégalités que les vents produisent, et qui feraient disparaître les lois du phénomène dans des observations isolées ou peu nombreuses ; si l’on prend les moyennes d’un grand nombre de marées observées dans un même lieu, on trouve qu’elles sont à très peu près conformes aux lois du flux et du reflux, résultant des attractions de la lune et du soleil, et les mêmes que si les vents accidentels n’avaient aucune influence : celle que peuvent avoir les vents qui soufflent dans une même direction pendant une partie de l’année, sur les marées de cette époque, n’a point encore été déterminée. Ces moyennes déduites d’observations faites au commencement et à la fin du siècle dernier, ou séparées par un intervalle de cent années, n’ont présenté que de petites différences, que l’on peut attribuer à quelques changements survenus dans les localités.

Pour exemple de la loi que je considère, je citerai encore la longueur de la vie moyenne dans l’espèce humaine. Sur un nombre considérable d’enfants nés en des lieux et à des époques assez rapprochés, il y en aura qui mourront en bas âge, d’autres qui vivront plus longtemps, d’autres qui atteindront les limites de la longévité ; or, malgré les vicissitudes de la vie des hommes, qui mettent de si grandes différences entre les âges des mourants, si l’on divise la somme de ces âges par leur nombre supposé très grand, le quotient, ou ce qu’on appelle la vie moyenne, sera une quantité indépendante de ce nombre. Sa durée pourra ne pas être la même pour les deux sexes ; elle pourra différer dans les différents pays, et à différentes époques, parce qu’elle dépend du climat, et sans doute aussi du bien-être des peuples : elle augmentera si une maladie vient à disparaître, comme la petite-vérole par le bienfait de la vaccine ; et, dans tous les cas, le calcul des probabilités nous montrera si les variations reconnues dans cette durée, sont assez grandes et résultent d’un assez grand nombre d’observations,