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Page:Porché - L’Amour qui n’ose pas dire son nom, 1927.djvu/139

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QU’EST-CE QUE L’AMOUR ?

homme pour une femme et dans l’amour d’un inverti pour un garçon, c’est l’objet du sentiment, mais que le sentiment lui-même est, dans les deux cas, tout pareil ; de sorte que l’écrivain inverti qui, voulant analyser ou célébrer ses émotions, donne, par décence, à son ami un nom féminin, commet à peine un mensonge, puisque le trouble qu’il ressent n’est autre que celui que la passion pour une femme causerait à un individu normal[1].

Mais de cette proposition découle un corollaire dont Proust ne semble pas s’être avisé, c’est que précisément cette ressemblance des deux Vénus est ce qui agace le plus les normaux et souvent les met en fureur. Dans les amours des invertis, ils voient une imitation grimaçante, une parodie de leurs propres joies, et, ce qui est pire, de leurs souffrances, un sacrilège enfin. Et notez que cette attitude hostile est quelquefois réciproque. Les homosexuels ne peuvent, étant une minorité, un peu comme des captifs dans un camp ennemi, donner libre cours à leur indignation, mais soyez sûrs qu’il en est

  1. C’est, en somme, la vue platonicienne, avec cette seule différence que la convention des pseudonymes féminins était, du temps de Platon, une feinte inutile. Elle eût même paru alors d’une inconvenance grossière.