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Page:Porché - L’Amour qui n’ose pas dire son nom, 1927.djvu/44

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DANS LE CLIMAT DE LA POÉSIE

revenu mourir à Charleville en 1893. Mais Verlaine, le vieux Verlaine, comme nous l’appelions, quoiqu’il n’eût guère dépassé la cinquantaine, on pouvait le voir encore traînant sa jambe malade de brasserie en brasserie. Parfois, on le rencontrait, la barbe rebroussée « au vent crispé du matin », la démarche incertaine à la suite de maintes libations nocturnes, proférant des paroles de colère. Et, grâce à cette présence, la fable des amours illicites, avec l’épilogue des coups de révolver et de l’emprisonnement, restait vivante dans les mémoires.

Ah ! comme l’esprit accueille facilement les idées les plus inconciliables, comme il les porte pêle-mêle sans embarras, lorsque le cœur est intéressé à cet accommodement ! Les mœurs anormales nous répugnaient, nous les réprouvions formellement. Mais nous aimions Verlaine. Que dis-je ! Si nous n’avions fait que l’aimer, nous aurions pu tout ensemble le chérir et le plaindre. Or, loin de le prendre en pitié, nous le regardions avec envie, parce qu’en vérité nous le respections.

Comment nous serait-il venu un seul instant à la pensée de condamner le vieux faune ? Peut-être, ceux qui ignorent que le culte de la poésie est pour ses adeptes une religion véritable