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Page:Porché - L’Amour qui n’ose pas dire son nom, 1927.djvu/84

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LES HOMMES-FEMMES

indulgent ou amusé, ne parvient pas toujours à dépouiller, dans son for intérieur, la vieille habitude de considérer comme une étrangeté scandaleuse ce que l’inverti lui représente comme tout naturel.

En somme, bien que les invertis, aujourd’hui, s’appliquent moins que jadis à dissimuler, le personnage de Charlus, l’inverti qui se cache, conserve, au fond, une valeur générale : on retrouve en cette âme l’âme de presque tous les sodomites, telle que la tradition judéo-chrétienne l’a courbée sous le poids de ses malédictions. Du moins n’est-il guère d’ « homme-femme » chez lequel on ne puisse reconnaître quelques traits du fameux baron.

Charlus, d’abord, se croit seul de sa sorte, puis il en arrive à penser, quelquefois, que l’exception est la règle. Cependant, il n’en est pas très sûr. L’insécurité est sa condition. Il vit dans la terreur constante d’être démasqué. Tantôt, il s’imagine que trois ou quatre personnes seulement sont, comme il dit, « fixées sur son compte » ; tantôt, « la connaissance permanente qu’il a de sa faute l’empêche de supposer combien généralement elle est ignorée, combien un mensonge complet serait aisément cru ». Alors, il a des habiletés qui le livrent, des audaces mala-