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Page:Potvin - Peter McLeod, 1937.djvu/8

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Peter McLeod

charpenté, sans trop d’envergure, mais un thorax aux profondeurs d’armoire ; un paquet de cordages.

Il but son whisky d’un trait. Sa façon de boire était un indice de virilité. De même que la terre de Charlevoix où il avait vu le jour, sèche, dure, a besoin d’être arrosée par les pluies d’automne quand elle se rougit de feuilles mortes, la figure fermée de Fred Dufour s’illuminait et devenait avenante quand on prenait la peine de l’arroser comme il convenait. Il n’y avait pas à craindre l’ivresse. On n’avait jamais vu Fred Dufour parfaitement ivre. C’était tout au plus chez lui le « subridens » de l’antiquité, une inclination vers des dispositions meilleures… Il se retourna. Les autres revenaient peu à peu de leur stupeur. Comme distraitement il jeta un coup d’œil sur le grand corps toujours tout du long étendu de Peter McLeod. Il s’en approcha, se pencha, tâta le pouls de l’homme. Comme ce dernier, selon son diagnostic, appartenait encore à la république des vivants, il soupira, se redressa, triomphant, jeta un regard circulaire sur les spectateurs de la scène. D’un geste nerveux, désignant le corps inerte, il dit :

« Le voilà… Peter McLeod… Moi… vous savez, c’est Fred Dufour.

Mais comment, diable, cela s’était-il fait ?… semblait se demander chacun des assistants. La lutte entre les deux hommes avait duré quelques minutes seulement. Il est vrai que les antagonistes, au milieu de la place, avaient joué dur : deux brutes. On avait entendu comme en un rêve des grattements saccadés de bottes sur le parquet, l’haleine sifflante des deux hom-