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Page:Pour lire en traîneau - nouvelles entraînantes.pdf/361

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ici sa mémoire au passage, que c’était un homme d’esprit, de talent et de cœur, et qui aimait beaucoup et sincèrement la France.

Et, maintenant, j’arrive à mon bibliomane moins intéressant et dont le Temps a parlé dans le temps ; sans jeu de mots, il s’agit du monsieur qui, depuis des éternités, recherche et collectionne avec une profonde activité et une voracité de caïman, toutes les pièces de théâtre.

Autrefois, il composa des partitions assez spirituelles pour les Variétés et les Bouffes. Il ne s’occupe plus que d’accumuler les brochures théâtrales.

Il en possède cent dix mille environ. Mais comme son appartement de la rue Auber ne les pourrait contenir, il a aménagé à leur usage un vaste local rue Clauzel. Ainsi qu’un homme, ardemment épris, met dans ses meubles celle qu’il aime, ainsi M. D… se glisse, furtif, sous la porte cochère, grimpe ses deux étages, s’insinue dans le temple, s’y verrouille, et y éprouve, je suppose, des joies ineffables.

Pourtant, un soir de cet hiver, il en sortit les cheveux hérissés, les yeux hagards, en proie à une violente colère. Il interrogea la concierge qui tremblait de tous ses membres :

— Un voleur s’est introduit auprès d’elles !

— « Elles » c’étaient les pièces, les brochures, ses amours.

— Mais, monsieur, je vous jure…

— Ne jurez pas ! Il me manque toutes les revues