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Page:Pour lire en traîneau - nouvelles entraînantes.pdf/422

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ordinaires et empuanties chambrées des casernes… et je me penche vers une des fenêtres garnies de barreaux de fer, qui donnent sur le préau de l’intérieur : il fait un clair soleil de printemps ; je viens de visiter les ateliers dont je parlais tout à l’heure pendant le déjeuner des prisonniers, maintenant ils se promènent tout autour du préau, en file indienne dans les deux sens, sans jamais se rencontrer, sans jamais se parler, pendant une demi-heure. Seuls, les hommes qui travaillent debout toute la journée ont le droit de rester assis pendant cette demi-heure sur les vieux bancs de pierre, le long de la muraille ; au milieu, les gardiens crient : gauche, droite, gauche, droite, d’une voix rauque, forte et grave tout à la fois, et comme avec le laisser-aller, cependant, d’une vieille accoutumance, et les sabots sonnent sur le pavé en cadence énervante, en lente mélopée du bois heurtant le granit ou le grès avec toute la nonchalance d’êtres qui sont les vaincus de la vie. Le costume de la prison est une vareuse marron, sauf pour les courtes peines, car on ne prend pas la peine d’habiller les prisonniers pour quelques jours seulement, et ça rompt la monotonie, cette bigarrure… et les prisonniers marchent ainsi sur deux, trois et quatre rangs, suivant la tête qui les prend et les conduit, toujours chaque rang en sens inverse du précédent, du suivant, et ceci se passe ainsi dans deux cours après chaque repas. Spectacle inoubliable où la mélopée saccadée des sabots sur les pavés semble parfois s’exas-