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Page:Pour lire en traîneau - nouvelles entraînantes.pdf/76

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passer leur temps tous ces gens-là ? Certains fumaient de belles pipes de terre avec leur nom en émail sur le tuyau, données au mois de janvier par le garçon — et rangées dans une vitrine ad hoc accrochée au mur ; mais c’était la minorité, car on prisait encore pas mal et l’on fumait moins qu’aujourd’hui. D’autres jouaient au billard, aux dames, aux cartes, d’autres lisaient le Siècle d’Havin, comme les anciens avaient lu la Quotidienne et enfin tous, très gravement, quatre ou cinq, car la clientèle n’était pas énorme dans le vieux petit café blanc et or de quartier, parlaient politique à perte de vue. Inutile d’ajouter que ceux qui préféraient le Siècle aux Petites-Affiches étaient les fortes têtes de l’endroit.

Mais ce qui est vraiment curieux et point du tout paradoxal, c’est que le pilier de café se reconnaissait à sa mise ; il portait une longue redingote de drap noir, à larges pans, propre, mais très lustrée, très brillante, et dans la rue, on se disait en voyant passer une de ces grandes redingotes brillante et un peu usée : « Tiens, voilà un habitué de café ! ». Ça ne trompait pas.

Aujourd’hui, il n’y a plus que quelques commissaires de police, perdus dans des trous de province, qui aurait conservé la tradition de ces monumentales redingotes — et encore !

Mais ce n’est pas tout et pour donner une physionomie bien vivante, bien prenante de ces petits cafés, ne faut-il pas rappeler aussi les odeurs sui generis ? Chose curieuse, à une époque où l’on