Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/105

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heures s’étant passées sans qu’il eût paru, je commençai à craindre de m’être trop flatté, et je découvris enfin à celle que rien ne pouvait plus m’empêcher de regarder comme sa fille, ce que j’avais fait pour remplir ma promesse. Le témoignage du malheureux qui avait abusé de son enfance, fit sur elle plus d’impression que tout le reste.

« Je ne serai point affligée, me dit-elle, de demeurer incertaine de ma naissance, et quand je serais sûre de la devoir à votre seigneur grec, je ne me plaindrais pas qu’il fît difficulté de me reconnaître. Mais je remercie le Ciel du droit qu’il me donne désormais de refuser le nom de père à l’homme du monde à qui je devais le plus de haine et de mépris. »

Elle parut si touchée de cette pensée, que ses yeux s’étant remplis de larmes, elle me répéta vingt fois que c’était à moi qu’elle croyait devoir la naissance, puisque c’était lui en donner une seconde que de la délivrer de l’infamie de la première.

Mais je ne crus point mon ouvrage achevé, et dans la chaleur qui m’en restait encore, je lui proposai de m’accompagner chez Condoidi. La nature a des droits contre lesquels ni la grossièreté ni l’intérêt ne rendent jamais le cœur assez fort. Il me parut impossible qu’en voyant sa fille, en l’entendant, en recevant ses embrassements et ses regards, il ne fût point ramené malgré lui aux sentiments qu’il lui devait. Il ne m’avait