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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/146

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puyé sur la main, comme si elle eût cherché à me dérober son visage.

Ma première crainte fut encore qu’elle ne se trouvât saisie de quelque incommodité. Nous avions fait le voyage pendant la nuit. Notre collation n’avait été composée que de fruits et de glaces. Je courus à elle avec le plus vif empressement, et je lui demandai si sa santé avait souffert quelque altération. Elle ne me répondit point. Mon inquiétude augmentant, je saisis une de ses mains, celle même sur laquelle sa tête était appuyée, et je fis quelque effort pour l’attirer à moi. Elle résista quelques moments. Enfin, la passant sur ses yeux, pour essuyer quelques larmes dont j’aperçus les traces, elle me demanda en grâce de faire sortir les deux domestiques, et de lui accorder un moment d’entretien.

À peine fus-je seul avec elle que baissant les yeux et la voix, elle me dit d’un air consterné qu’elle ne pouvait me disputer tout ce que je prétendais exiger d’elle, mais qu’elle ne s’y serait jamais attendue. Elle se tut après ces quatre mots, comme si la douleur et la crainte lui eussent coupé tout d’un coup la parole, et je m’aperçus à sa respiration que son cœur était dans l’émotion la plus violente. Ma surprise, qui montait aussitôt au comble, et peut-être un mouvement de honte qu’il me fut impossible de vaincre tout d’un coup, me jetèrent de mon côté dans le même état ; de sorte que c’eût