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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/151

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jusqu’à me causer de l’inquiétude et du trouble ? La Turquie n’était-elle pas remplie d’esclaves dont je pouvais attendre les mêmes plaisirs ? « Il ne me manquait, ajoutai-je en raillant ma propre folie, que de prendre une passion sérieuse pour une fille de seize ans, que j’avais tirée d’un sérail de Constantinople, et qui n’était peut-être entrée dans celui de Chériber qu’après avoir fait l’essai de tous les autres ! » Passant ensuite au refus qu’elle m’avait fait de ses faveurs après les avoir prodiguées à je ne sais combien de Turcs, je m’applaudis de ma délicatesse, qui me faisait attacher un si grand prix au reste du vieux Chériber. Mais je trouvais encore plus admirable que Théophé eût appris dans un espace si court à connaître la valeur de ses charmes, et que le premier homme à qui elle s’adressât pour lui en faire acheter la possession si cher, fût un Français aussi versé que moi dans le commerce des femmes. « Elle s’est imaginé, disais-je, sur l’air de bonté que je porte dans mon visage et dans mes manières, qu’elle allait faire de moi sa première dupe ; et cette jeune coquette, à qui j’ai supposé tant de naïveté et de candeur, se promet peut-être de me mener bien loin par ses artifices. »

Mais après avoir comme satisfait mon ressentiment par ces réflexions injurieuses, je revins peu à peu à considérer le fond de cette aventure avec moins d’émotion. Je me rappelai toute la conduite que Théophé