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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/176

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me devint assez difficile d’en comprendre la nature ; car la seule voie qui lui avait pu donner quelque espérance de les satisfaire, étant fermée désormais par ses propres conventions, autant que par le refus de Théophé, il n’avait rien à se promettre de l’avenir, et le présent ne lui offrait que le simple plaisir d’une conversation sérieuse, qui n’était pas même aussi longue qu’il aurait souhaité. Théophé, qui avait la complaisance de le recevoir aussi souvent qu’il venait à Oru, n’avait pas toujours celle de s’ennuyer avec lui, lorsqu’il y demeurait longtemps. Elle nous quittait pour aller prendre ses exercices avec son frère, et j’essuyais dans son absence le récit de tous les tendres sentiments du Sélictar. Comme il n’avait plus de projet formé, et qu’il se réduisait à des témoignages vagues de son admiration et de son amour, je me persuadai à la fin que, m’ayant entendu parler souvent de cette manière fine d’aimer, qui consiste dans les sentiments du cœur, et qui est si peu connue de sa nation, il y avait pris assez de goût pour en faire l’essai. Mais comment concevoir aussi qu’il se bornât au plaisir d’exercer son cœur par des sentiments tendres, sans marquer plus de chagrin et d’impatience de ne pouvoir obtenir le moindre retour ?

Ces doutes ne m’empêchaient pas de le voir avec d’autant moins de peine que la comparaison que je faisais de son sort au mien me semblait toujours flatteuse, pour