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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/178

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misérable qui avait été exécuté par la sentence du cadi, suffisait, me dit-il, pour autoriser le refus de son père. Quel intérêt un homme qui se voyait menacé du supplice, aurait-il eu à dissimuler de qui Théophé était fille ; et n’était-il pas clair qu’après avoir protesté que celle de Condoidi était morte avec sa mère, il n’avait changé de langage que pour gagner le juge par une offre infâme, ou pour obtenir le délai de son châtiment ? Il n’en était pas plus vraisemblable, ajouta Synèse, qu’une personne aussi accomplie que Théophé fût la fille de ce scélérat ; mais elle ne pouvait être non plus celle de Panista Condoidi, et mille circonstances qu’il se souvenait avoir entendu raconter dans sa famille, ne lui avaient jamais permis de s’en flatter sérieusement.

Quoiqu’il ne manquât rien en apparence à la sincérité de Synèse, un discours amené par lui-même, et si contraire à l’inclination que je lui avais toujours vue pour Théophé, me fit naître des soupçons extraordinaires. Je lui connaissais assez d’esprit pour être capable de quelque déguisement, et le proverbe du Sélictar sur la bonne foi des Grecs n’était pas sorti de ma mémoire. Je conclus tout d’un coup qu’il était arrivé quelque changement que j’ignorais dans le cœur de Synèse, et que, soit haine, soit amour, il ne voyait plus Théophé du même œil. Il ne me parut pas fort à craindre, après cette ouverture, d’être la dupe d’un homme de son âge. Et