Aller au contenu

Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans l’adversité. Comme toute leur grandeur est empruntée de celle de leur maître, dont ils font profession d’être les esclaves, il ne leur en reste rien à la moindre disgrâce ; et dans la plupart, les motifs d’orgueil sont bien faibles quand ils sont réduits au mérite personnel. Cependant je connaissais d’assez bonnes qualités au Sélictar pour le croire redoutable en amour, surtout près d’une femme élevée dans le même pays, et dont le goût par conséquent ne pouvait être blessé de ce que nous trouverions dégoûtant dans un Turc.

Je ne parlai point à Théophé des idées qui m’avaient ramené à Constantinople. Au contraire, me voyant d’autant plus libre avec elle, je me trouvais comme déchargé du fardeau qui m’avait pesé sur le cœur, je marquai dans notre entretien une satisfaction dont elle s’aperçut assez pour me demander ce qui causait ma joie. C’était une occasion de lui répéter avec plus d’enjouement ce que je lui avais déclaré le matin d’un ton trop triste et trop langoureux. Mais autant qu’il était sûr qu’elle régnait dans mon cœur, autant m’était-il encore incertain quel cours je devais laisser prendre à mes sentiments ; et me retrouvant l’esprit libre depuis que j’étais délivré de mes craintes, j’eus assez de force pour retenir le mouvement qui me portait à l’entretenir de ma tendresse. Aujourd’hui, qu’en réfléchissant sur le passé, je juge peut-être beaucoup