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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/34

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presque toujours trompés dans le choix qu’ils font d’une épouse, avec laquelle ils partagent leur nom, leur rang et leur bien. Et croyant m’apercevoir que mes plaintes étaient écoutées avidement, je continuai de parler avec envie du bonheur d’un mari français qui trouverait dans la compagne de sa vie des vertus qui étaient comme perdues pour les dames turques, par le malheur qu’elles ont de ne jamais trouver dans les hommes un retour digne de leurs sentiments.

Cette conversation, où j’avoue que le mouvement de pitié qui m’emportait me fit laisser à la jeune Grecque peu de liberté pour me répondre, fut interrompue par Chériber. Il s’aperçut peut-être de la chaleur avec laquelle j’entretenais son esclave ; mais le témoignage de mon cœur ne me reprochant rien qui blessât sa confiance, je retournai à lui d’un air libre. Ses questions néanmoins ne furent accompagnées d’aucune marque de jalousie. Il me promit au contraire de me donner souvent le même spectacle si je le trouvais propre à m’amuser.

Il se passa quelques jours pendant lesquels je me dispensai volontairement de le voir, dans le seul dessein de prévenir toutes ses défiances par une affectation d’indifférence pour les femmes. Mais dans une visite qu’il me rendit lui-même pour me faire quelques reproches de l’avoir négligé, un esclave de sa suite remit un billet à l’un de mes gens.