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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/49

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Ce ne pouvait être que depuis que je l’avais quitté. La discrétion qui lui avait fait cacher si soigneusement notre aventure augmenta l’opinion que j’avais de sa probité. Chériber releva beaucoup l’idée qu’il avait aussi de la mienne, et de la manière dont ce Seigneur s’était expliqué avec lui sur mon compte ; il m’assura que je n’avais point d’amis qui me fussent dévoués si parfaitement. Je reçus ce compliment avec la reconnaissance qu’il méritait. N’ayant point un intérêt fort vif à pénétrer où ce redoublement d’amitié, et la promesse que le Sélictar avait exigée de moi, pouvaient aboutir, mon imagination était aussi tranquille que mon cœur, et rien n’avait changé ma disposition lorsque je me rendis le soir chez le maître de langues.

On me dit que la jeune Grecque, qui avait déjà changé le nom de Zara, qu’elle portait dans l’esclavage, en celui de Théophé, attendait mon arrivée avec toutes les marques d’une vive impatience. Je me présentai à elle. Son premier mouvement fut de se jeter à mes genoux, qu’elle embrassa avec un ruisseau de pleurs. Je fis longtemps des efforts inutiles pour la relever. Ses soupirs furent d’abord le seul langage qu’elle me fit entendre ; mais à mesure que le tumulte de ses sentiments diminuait, elle m’adressa mille fois les noms de son libérateur, de son père, et de son Dieu. Il me fut impossible de modérer ce premier transport, dans le-