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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/56

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Je leur montre le cabinet, sans avoir la force de parler. Ils y trouvent leur maître étendu dans son sang, et mort de deux coups de poignard. Leurs cris attirent aussitôt toutes les femmes du sérail. On me demande le récit d’un événement si tragique. Je raconte moins ce que j’avais vu que ce que je m’étais figuré d’entendre ; et, ne pénétrant pas mieux qu’une autre dans le fond de cette aventure, mon ignorance et ma crainte se déclaraient également par mes larmes.

« On ne put douter que le gouverneur ne fût mort de la main de son fils. Cette opinion, qui était confirmée par la fuite du jeune Turc, produisit un effet fort étrange. Les femmes et les esclaves du sérail se croyant désormais sans maîtres, ne pensèrent qu’à s’emparer de ce qui s’offrait de plus précieux à leurs yeux, et qu’à profiter de l’obscurité pour s’échapper de leur prison. Ainsi, les portes ayant été ouvertes de tous côtés, je me déterminai à sortir, avec d’autant plus de raison que personne ne pensait ni à me consoler, ni à me retenir. Mon intention était de gagner le logement de mon père, qui était dans le voisinage du sérail, et je me flattais d’en trouver facilement la route. Mais à peine eus-je fait vingt pas dans les ténèbres, que je crus apercevoir le fils du gouverneur. Je ne le reconnus néanmoins qu’après m’être hasardée à lui demander qui il était. Il me dit que dans l’effroi du malheureux coup qu’il venait de commettre, il