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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/61

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minel au moment que sa sentence est prononcée, cette rigoureuse coutume s’exécutait déjà sur ceux de mon père. Mes alarmes augmentèrent si vivement que, n’ayant point la force de déguiser qui j’étais, je conjurai, en tremblant, une femme turque à qui je m’étais adressée, de prendre pitié de la malheureuse fille du Grec qui venait d’être condamné. Elle leva mon voile pour observer mon visage, et ma douleur paraissant la toucher, elle me fit entrer dans sa maison avec le consentement de son mari. Ils me firent valoir tous deux le service qu’ils me rendaient. La crainte dont j’étais saisie me le fit encore exagérer. Je les laissai les maîtres de mon sort, et je crus leur devoir la vie lorsqu’ils m’eurent promis d’en prendre soin. Il me restait néanmoins l’espérance que tout le monde avait formée sur le délai du cadi. Mais au bout de quelques jours, j’appris de mes hôtes que mon père avait subi sa sentence.

« Dans une ville où je ne connaissais personne, à l’âge d’environ quinze ans, avec si peu d’expérience du monde, et troublée par une disgrâce si humiliante, je me crus d’abord condamnée pour le reste de ma vie à l’infortune et à la misère. Cependant, l’extrémité de ma situation m’apprit à réfléchir sur mes premières années, pour chercher quelque règle qui pût servir à ma conduite. Dans toutes les traces qui m’en étaient restées, je ne trouvais que deux principes sur lesquels