Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/68

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maux qui me menaçaient que les biens que j’avais voulu me procurer. Mes craintes n’avaient pas d’objet fixe, et la faim qui commençait à me presser était encore la plus vive de mes inquiétudes. Le hasard, qui me servait seul de guide, m’ayant fait passer près du marché où se vendent les esclaves, je demandai ce que c’était qu’une troupe de femmes que je voyais rangées sous une voûte. On ne m’eut pas plutôt appris à quoi elles étaient destinées, que je regardai cette occasion comme une ressource. Je m’approchai d’elles, et, me plaçant au bout de la ligne, je me flattai que si j’avais les qualités qu’on m’avait vantées tant de fois, je ne serais pas longtemps sans me voir distinguée. Comme toutes mes compagnes avaient le visage couvert, je ne cédai point tout d’un coup à l’envie que j’avais de dévoiler le mien. Cependant, l’heure du marché étant arrivée, je ne pus voir diverses personnes occupées à se faire montrer quelques femmes qui ne me valaient pas, sans être pressée d’une vive impatience de lever mon voile. On ne s’était point aperçu que je fusse étrangère dans la troupe, ou plutôt on n’avait pu juger du dessein qui m’y avait amenée. Mais à peine eut-on vu paraître mon visage, les spectateurs, surpris de ma jeunesse et de ma figure, s’assemblèrent autour de moi. J’entendis demander de tous côtés à qui j’appartenais, et les marchands d’esclaves le demandaient eux-mêmes avec