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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/72

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et qu’à tout ce que j’avais déjà obtenu de sa libéralité, il donna ordre qu’on joignît mille nouveaux présents, dont l’abondance éteignait quelquefois mes désirs. Son âge le rendait fort modéré dans les siens. Mais il me voyait régulièrement plusieurs fois le jour. Ma vivacité, et l’air de joie dont tous mes mouvements se ressentaient, paraissaient l’amuser. Cette situation, dans laquelle j’ai passé deux mois, a sans doute été le plus heureux temps de ma vie. Mais je m’accoutumai insensiblement à ce qui avait eu le plus de charmes pour piquer mes inclinations. L’idée de mon bonheur ne me touchait plus, parce que je n’y voyais plus rien qui réveillât mes sens. Non seulement je n’étais plus flattée de la promptitude qu’on avait à m’obéir, mais je n’avais plus rien à commander. Les richesses de mon appartement, la multitude et la beauté de mes bijoux, la somptuosité de mes habits, rien ne se présentait plus à moi sous la forme que j’y avais trouvée d’abord. Dans mille moments où je me sentais à charge à moi-même, j’adressais la parole à tout ce qui m’entourait : « Rendez-moi heureuse, disais-je à l’or et aux diamants ! » Tout était muet et insensible. Je me crus attaquée de quelque maladie que je ne connaissais point. Je le dis au Bacha, qui s’était déjà aperçu du changement de mon humeur. Il jugea que la solitude où je passais une partie du jour avait pu m’inspirer cette mélancolie, quoiqu’il m’eût