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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/74

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sances, et que ce qui occupait mon âme était le désir d’un bien dont je n’avais pas l’idée. Je me demandais encore, comme j’avais fait dans ma solitude, pourquoi je n’étais pas heureuse avec tout ce que j’avais désiré pour l’être. Je m’informais quelquefois si dans un lieu où je croyais toute la fortune et tous les biens réunis, il n’y avait pas quelque plaisir que je n’eusse point encore goûté, quelque changement qui pût dissiper l’inquiétude continuelle où j’étais. Vous m’avez vue occupée à peindre ; c’est le seul plaisir auquel j’ai été réduite, après en avoir tout espéré de ma condition. Encore était-il interrompu par de longues distractions, dont je n’ai jamais pu me rendre compte à moi-même.

« J’étais dans cette situation, lorsque le Bacha vous ouvrit l’entrée de son sérail. Cette faveur, qu’il n’accordait à personne, me fit attendre impatiemment ce qu’elle devait produire. Il nous ordonna de danser. Je le fis avec un redoublement extraordinaire de rêveries et de distractions. Mon inquiétude me fit aussitôt regagner ma place. J’ignore de quoi j’étais remplie, lorsque vous approchâtes de moi. Si vous me fîtes quelque question, mes réponses durent se ressentir de mon trouble. Mais l’ordre d’un discours sensé, que je vous entendis prononcer, me rendit d’abord extrêmement attentive. Un agréable instrument que j’aurais entendu pour la première fois, ne m’aurait pas fait une autre impression. Je ne me