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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/95

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à me cacher son dessein. Une dame de Paris, avec autant d’usage du monde que d’esprit et de vertu, n’aurait pas pris un autre ton pour éteindre l’amour et l’espérance dans le cœur d’un amant. Elle donna, sans affectation, cette réponse au maître de langues, en le priant de lui épargner désormais tout ce qui pourrait ressembler à cette aventure.

Je ne déguiserai point que l’amour-propre me fit expliquer ce sacrifice en ma faveur, et n’ayant point perdu le projet dont je m’étais rempli le matin, j’interrompis tout ce qui appartenait au Sélictar pour commencer par degrés à m’occuper de mes propres intérêts. Mais je fus interrompu moi-même par une infinité de réflexions qui sortaient naturellement de la bouche de Théophé, et dont je reconnaissais la source dans quelques traits légers qui m’étaient échappés la veille. Son esprit porté de lui-même à méditer ne saisissait rien qu’il n’étendît aussitôt pour le considérer sous toutes ses faces, et je remarquai qu’elle n’avait point eu d’autre occupation depuis que je l’avais quittée. Elle me fit mille questions nouvelles, comme si elle n’eût pensé qu’à se préparer des sujets de méditation pour la nuit suivante. Était-elle frappée de quelqu’usage de ma Nation, ou de quelque principe qu’elle entendit pour la première fois, je la voyais un moment recueillie pour le graver dans sa mémoire ; et quelquefois elle me priait de le répéter, dans