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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/97

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« Quoi ? Vous ignorez à quel âge vous l’avez perdue ? Vous ne savez point par exemple si c’est avant cet enlèvement dont on a fait le crime de votre père ; et vous ignorez même si elle était différente de cette dame Grecque qui l’avait engagée à quitter son mari, et qui était accompagnée, si je me rappelle bien votre récit, d’une fille âgée de deux ans ? »

Mon discours la fit rougir, sans que je pusse distinguer encore la cause de son émotion. Enfin, rompant le silence qu’elle avait gardé un moment :

« Vous serait-il venu, me dit-elle, la même pensée qu’à moi, ou le hasard vous aurait-il procuré quelques lumières sur un doute dont je n’ai osé faire l’ouverture à personne ?

— Je ne pénètre point votre idée, repris-je, mais en admirant mille qualités naturelles qui vous distinguent du commun des femmes, je ne puis me persuader que vous soyez née d’un père aussi infâme que vous m’avez représenté le vôtre ; et plus je vous vois d’ignorance sur les premiers temps de votre vie, plus je suis porté à vous croire fille de ce même seigneur Grec dont le misérable qui vous donnait faussement ce nom avait enlevé la femme. »

Cette déclaration produisit sur elle un effet surprenant. Elle se leva dans une espèce de transport.

« Ah ! c’est ce que j’ai pensé longtemps,