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Page:Prévost - Manon Lescaut, Charpentier, 1846.djvu/151

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Quelque solide que me parût ce raisonnement, il ne put l’emporter dans mon esprit sur un espoir si proche de mettre Manon en liberté. Je le dis à M. de T***, et je le priai de pardonner un peu d’imprudence et de témérité à l’amour. J’ajoutai que mon dessein était en effet de quitter Paris pour m’arrêter, comme j’avais déjà fait, dans quelque village voisin. Nous convînmes donc avec le valet de ne pas remettre son entreprise plus loin qu’au jour suivant ; et, pour la rendre aussi certaine qu’il était en notre pouvoir, nous résolûmes d’apporter des habits d’homme, dans la vue de faciliter notre sortie. Il n’était pas aisé de les faire entrer ; mais je ne manquai pas d’invention pour en trouver le moyen. Je priai seulement M. de T*** de mettre le lendemain deux vestes légères l’une sur l’autre, et je me chargeai de tout le reste.

Nous retournâmes le matin à l’hôpital. J’avais avec moi, pour Manon, du linge, des bas, etc., et par-dessus mon justaucorps un surtout qui ne laissait rien voir de trop enflé dans mes poches. Nous ne fûmes qu’un moment dans sa chambre. M. de T*** lui laissa une de ses deux vestes. Je lui donnai mon justaucorps, le surtout me suffisant pour sortir. Il ne se trouva rien de manque à son ajustement, excepté la culotte, que j’avais malheureusement oubliée.

L’oubli de cette pièce nécessaire nous eût sans doute apprêtés à rire, si l’embarras où il nous mettait eût été moins sérieux. J’étais au désespoir qu’une bagatelle de cette nature fût capable de nous arrêter. Cependant je pris mon parti, qui fut