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Page:Prévost - Manon Lescaut, Charpentier, 1846.djvu/233

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mers avec elle. « Tout le monde me persécute ou me trahit, dis-je au garde du corps ; je n’ai plus de fond à faire sur personne ; je n’attends plus rien ni de la fortune ni du secours des hommes ; mes malheurs sont au comble, il ne me reste plus que de m’y soumettre : ainsi je ferme les yeux à toute espérance. Puisse le ciel récompenser votre générosité ! Adieu ! je vais aider mon mauvais sort à consommer ma ruine, en y courant moi-même volontairement. » Il fit inutilement ses efforts pour m’engager à retourner à Paris. Je le priai de me laisser suivre mes résolutions et de me quitter sur-le-champ, de peur que les archers ne continuassent de croire que notre dessein était de les attaquer.

J’allai seul vers eux d’un pas lent, et le visage si consterné, qu’ils ne durent rien trouver d’effrayant dans mes approches. Ils se tenaient néanmoins en défense. « Rassurez-vous, messieurs, leur dis-je en les abordant ; je ne vous apporte point la guerre, je viens vous demander des grâces. » Je les priai de continuer leur chemin sans défiance, et je leur appris, en marchant, les faveurs que j’attendais d’eux.

Ils consultèrent ensemble de quelle manière ils devaient recevoir cette ouverture. Le chef de la bande prit la parole pour les autres. Il me répondit que les ordres qu’ils avaient de veiller sur leurs captives étaient d’une extrême rigueur ; que je lui paraissais néanmoins si joli homme, que lui et ses compagnons se relâcheraient un peu de leur devoir ; mais que je devais comprendre qu’il fallait qu’il m’en coûtât quelque chose. Il me restait environ