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Page:Prévost - Manon Lescaut, Charpentier, 1846.djvu/259

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choses s’étaient passées entre nous, et sa générosité le porta sur-le-champ à publier les effets de la mienne. On me fit chercher, et mon absence avec Manon me fit soupçonner d’avoir pris le parti de la fuite. Il était trop tard pour envoyer sur mes traces ; mais le lendemain et le jour suivant furent employés à me poursuivre.

On me trouva, sans apparence de vie, sur la fosse de Manon ; et ceux qui me découvrirent en cet état, me voyant presque nu et sanglant de ma blessure, ne doutèrent point que je n’eusse été volé et assassiné : ils me portèrent à la ville. Le mouvement du transport réveilla mes sens ; les soupirs que je poussais en ouvrant les yeux et en gémissant de me retrouver parmi les vivants firent connaître que j’étais encore en état de recevoir du secours : on m’en donna de trop heureux.

Je ne laissai pas d’être renfermé dans une étroite prison. Mon procès fut instruit ; et comme Manon ne paraissait point, on m’accusa de m’être défait d’elle par un mouvement de rage et de jalousie. Je racontai naturellement ma pitoyable aventure. Synnelet, malgré les transports de douleur où ce récit le jeta, eut la générosité de solliciter ma grâce. Il l’obtint.

J’étais si faible, qu’on fut obligé de me transporter de la prison dans mon lit, où je fus retenu pendant trois mois par une violente maladie. Ma haine pour la vie ne diminuait point ; j’invoquais continuellement la mort, et je m’obstinai longtemps à rejeter tous les remèdes. Mais le ciel, après m’avoir puni avec tant de rigueur, avait dessein de me ren-