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Page:Praviel - Le Roman conjugal de M. Valmore, 1937.pdf/134

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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

avec un traitement fixe de 4 000 francs par an. C’était fort beau, pour un malheureux qui rentrait de Rouen sous une pluie de pommes cuites. Mais Prosper cherchait une revanche, ce n’en était pas une. Il révéla, dans sa lettre de réponse, un tel haut-le-corps, que sa femme fut effrayée. Il s’inclinerait, mais avec une résignation à ce point ulcérée qu’elle comprit que ce serait le condamner à un désespoir quotidien. Comment vivrait-elle à côté de cet éternel supplicié, alors qu’elle souffrait jusqu’à ses dernières fibres d’un abandonnement renouvelé chaque jour ? Mieux valait plonger dans l’oubli. Personne n’ébaucherait un geste pour la retenir. Elle écrivit à son mari :

Je n’accepte pas le nouveau sacrifice que tu n’acceptes, toi, je le sens, qu’au prix de l’immolation de tous tes goûts. Ne viens pas aux Français, noyé d’avance dans cette amertume, qui, chez l’homme, ne fait que s’accroître. Restons en province. C’est déjà quelque chose que d’avoir 4 000 francs d’assurés. C’est tout ce que tu aurais au Français, moins l’honneur d’un premier emploi pour lequel je sais tout ce qu’un talent déplacé et dans un faux jour peut perdre…

Le début de 1834 les revit donc ensemble à Lyon, où, du moins, il n’y avait pas à craindre les intrigues de coulisses. Mais quelle triste existence dans « cette ville flagellée, ville de pleurs, immense comptoir… » ! Les