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Page:Praviel - Le Roman conjugal de M. Valmore, 1937.pdf/88

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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

cupait, tout en polémiquant avec Clarisse Manzon, de publier les admirables poèmes de Chénier, dont aucun éditeur ne voulait. Baudoin et Foulon les avaient déjà refusés. Mais il s’entêtait, car nul ne saurait lui refuser la perspicace divination de la beauté.

Le même sentiment le rapprocha de son ancienne maîtresse. Il sentait qu’il y avait dans les vers épars qu’il avait lus d’elle plus de poésie que chez tous les rimailleurs du moment. Et il savait bien que, sans lui, elle n’arriverait jamais à rien. Ce rôle de révélateur lui plaisait. Il contenait quelque chose d’extrêmement flatteur, surtout dans le cas présent, où il ne pouvait douter que la plupart de ces beaux vers avaient été inspirés par lui. Ce sentiment extrêmement complexe le guida vers Marceline. Elle le vit revenir avec terreur.

Il était riche, redouté, presque célèbre. Sa femme avait fini par prendre son parti de ses infidélités et de son existence follement indépendante. Il jugeait élégant de tendre la main à celle qui l’avait tant aimé, et de l’aider à faire applaudir une œuvre qui, en somme, était sa louange. Il accomplit ce que Prosper eût été bien incapable même d’essayer. Il refit l’ouvrage, le corrigea, le rendit présentable, lui trouva un éditeur.

… Un homme d’un talent immense, avoua bien plus tard Marceline, m’a un peu aimée jusque-là de me signaler dans les vers que je