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entièrement voûtée à son origine : les bas côtés et les transepts en voûtes d’arêtes, le chœur et la nef en voûtes à nervures d’ogives croisées, dont une travée existe encore dans le chœur.

Si l’on rappelle ici que les plus anciennes voûtes connues, établies sur arcs diagonaux indépendants, remontent à 1120 et 1125 (à Morienval et à Marolles-en-Brie) et que les voûtes à nervure du pourtour du chœur de l’église abbatiale de Saint-Denis ont été bâties de 1137 à 1140, on voit que la voûte à croisées d’ogives conservée dans l’église Saint-Pierre de Montmartre est une des premières qui aient été faites en France. À cet égard cette voûte présente donc un intérêt tout particulier pour l’histoire de la construction dans notre pays. On peut y étudier, en effet, un très curieux exemple des tâtonnements qui ont précédé les développements si féconds du principe initial de notre architecture nationale.

Cette travée de voûtes primitives à arcs ogives est la seule qui subsiste à l’église Saint-Pierre.

Toutefois, la disposition sur plan diagonal des bases des colonnes flanquant les piliers anciens et aussi les traces évidentes des chapiteaux-bûchés sur les colonnes d’arêtiers, suffiraient à montrer que toute la grande nef a été voûtée de même. Sous l’enduit du mur j’ai du reste découvert les amorces de cette voûte encore en place dans la travée de la nef la plus rapprochée du chœur. La voûte ancienne de la nef était sensiblement plus élevée que la voûte du chœur. Cette dernière porte sur d’épais murs pleins et sa situation entre le clocher latéral et la chapelle absidale sud, qui l’épaulaient assez fortement, contribuaient aussi à sa stabilité.

Dans la nef, au contraire, la grande voûte reposait sur des piliers isolés, reliés en tête par des murs assez minces. Les contreforts extérieurs de la nef, en porte à faux prononcé sur les arcs doubleaux des bas côtés, étaient insuffisants pour maintenir la poussée d’une lourde voûte bombée à aussi grande portée.

Aussi cette voûte de la nef n’a-t-elle pas eu une longue durée, car, si elle ne s’est pas écroulée, elle a dû être démontée dès la seconde moitié du XIIe siècle. Ce qui rend vraisemblable l’effondrement des grandes voûtes primitives, c’est d’abord le déversement accentué des anciens piliers conservés et surtout la réfection complète des trois premières travées de la nef, qui avaient peut-être plus souffert que les autres de la catastrophe, Il est à remarquer, cependant, que le mur primitif du bas côté nord subsiste encore, dans la première travée, près du pignon. Un accident analogue s’était-il produit aussi au chevet de l’abside principale ? On ne saurait l’affirmer. Toujours est-il que ce chevet a également été reconstruit en même temps que les trois premières travées de la nef. En comparant les profils et la sculpture des parties refaites alors à l’église Saint-Pierre avec les éléments similaires de plusieurs églises des environs de Paris, on peut admettre que cette réfection aurait eu lieu de 1170 à 1180.

À l’église de Domont, près d’Écouen, où se remarquent des arcs-boutants datant évidemment de la fin du xiie siècle, on voit une corniche et des chapiteaux sculptés identiques à ceux des parties refaites à Montmartre.

Faute de ressources suffisantes, sans doute, les voûtes de la nef et des bas côtés de l’église Saint-Pierre n’ont pas été rétablies à cette époque. Mais la section des nouveaux piliers est tracée en vue des voûtes à construire ultérieurement, et les chapiteaux devant porter les arcs doubleaux et les arêtiers ont été sculptés prêts à les recevoir.

Dans les bas côtés nord et sud, les arcs formerets existent le long des murs latéraux.

Dans l’attente de ces voûtes ajournées, la grande nef et les bas côtés ont été alors fermés par un plafond en bois apparent ; c’est ce que montre clairement l’examen de la charpente actuelle du comble supérieur, en grande partie très ancienne. Cette charpente est à chevrons portant ferme avec entrait au droit de chaque chevron.

Les planches du plafond étaient clouées en travers de ces nombreux entraits espacés seulement de 0m66 d’axe en axe[1]. Au-dessous de ce plafond les murs latéraux de la nef étaient peints en ton d’ocre jaune, avec appareil tracé en blanc, dont quelques parties, déjà signalées en 1850 sur les dessins de M. Garrez[2], sont encore assez visibles dans le comble.

Cependant le nouveau chevet de l’abside principale fut refait avec une voûte sur nervure d’arêtiers. Mais, rendu prudent par les

  1. Cette charpente, combinée en vue du plafond qu’elle devait soutenir, est nécessairement antérieure aux voûtes du xvie siècle par lesquelles le plafond en bois a été remplacé. Je croirais. volontiers que cette charpente si naïve remonte à l’époque même de la reconstruction des trois premières travées de la nef, c’est-à-dire à la fin du xiie siècle.
  2. Dessins faisant partie des archives des Monuments historiques.