Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/83

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tous les gouvernements qui se sont succédé jusqu’à nous, firent de la police de la plèbe, du statu quo des classes ouvrières, l’objet de leurs préoccupations constantes. M. Guizot s’était montré relativement libéral : les deux assemblées de la République furent résolument obscurantistes. Conspiration insensée ! La conscience plébéienne une fois en éveil, le prolétaire n’avait qu’à ouvrir les yeux et à dresser les oreilles pour acquérir son Idée ; elle allait lui venir par ses propres adversaires.

Les premiers qui posèrent la question sociale ne furent pas, en effet, les ouvriers : c’étaient des savants, des philosophes, des gens de lettres, des économistes, des ingénieurs, des militaires, d’anciens magistrats, des députés, des négociants, des chefs d’industrie, des propriétaires, qui tous à l’envi se mirent à relever les anomalies de la société nouvelle, et en vinrent insensiblement à proposer les réformes les plus hardies. Citons pour mémoire les noms de Sismondi, Saint-Simon, Fourier, Enfantin et son école, Pierre Leroux, Considérant, Just Muiron, Hippolyte Renaud, Baudet-Dulary, Eugène Buret, Cabet, Louis Blanc, mesdames Rolland, Flora Tristan, etc. Pendant plusieurs années, la bourgeoisie conservatrice se flatta que les ouvriers restaient sourds aux provocations de ces novateurs : 1848 lui prouva qu’elle se trompait.

Le socialisme moderne a eu des écoles nombreuses ; il ne s’est pas fondé comme secte ou église. Les classes ouvrières ne se sont données à aucun maître : Cabet, le dictateur des Icariens, en a fait à Nauvoo la triste expérience. Elle sont suivi leur inspiration, et il est peu probable qu’elles renoncent désormais à leur propre initiative. Là est le gage de leur succès.