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semblables expressions pour définir le Droit, comme a fait M. Oudot, Direction de la liberté par l’intelligence.

Pour en finir avec l’étymologie de jus, j’observerai que ce mot est le genre dont les pronoms meum, tuum, suum, sont les espèces, c’est-à-dire qu’il indique le propre de l’homme, sans désignation de personne ; ce que donne à entendre la définition rapportée plus haut : Jus est suum cuique.

De la notion, essentiellement subjective, du droit, jus, dérive celle de la Justice, Justitia, définie par Ulpien : Justicia est constans et perpetua voluntas jus suum cuique tribuendi, la Justice est une volonté constante et perpétuelle de rendre à chacun ce qui lui appartient ; et mieux encore par Cicéron : Justitia est animi habitus, communi utilitate comparata, suam cuique tribuens dignitatem, la Justice est une disposition du cœur, formée par l’intérêt commun, par laquelle nous reconnaissons à chacun sa dignité.

Cette conception latine du Droit, de la Loi et de la Justice, ne laisse place à aucune équivoque : la question assez ridicule, si le droit vient du devoir ou le devoir du droit, n’y saurait naître ; la langue s’y oppose. Le droit pour chacun est ce que suppose sa nature, que réclament son existence et sa dignité ; la Justice est la reconnaissance par chacun de ce droit, que détermine et sanctionne d’ailleurs la Religion, véritable mère de la Loi. Le droit est attaché à l’homme, comme l’attribut au sujet, indépendamment de toute constitution sociale. La loi ne fait que le déclarer, et, au nom de la religion, en commander le respect. Telle est la conception romaine ; c’est au fond celle de tous les peuples.

IV

Ainsi, par son origine et sa base, le droit est tout individualiste, égoïste. L’idée de mutualité ne s’y rencontre