Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

crifiée, la conscience esclave, et qu’avec le christianisme seulement avait commencé l’émancipation de la personne. Et chose étrange, ce serait, à les entendre, l’insuffisance du polythéisme qui aurait été la cause de cette servitude générale.

« L’homme, dit M. Huet, est né pour s’appartenir sous la direction supérieure de la raison éternelle ou de Dieu ; il ne va pas tout seul et par soi, n’étant point l’être absolu. Vient-il à rejeter Dieu, son soutien intérieur et nécessaire ? incapable de se conduire, il cherche, il mendie des appuis au dehors ; il s’aliène, se livre à l’État, chargé de penser et de vouloir pour lui. L’État fait office de Dieu. C’est ce qu’on vit sous le paganisme : la domination des anciens États sur l’homme fut une forme de l’idolâtrie. » (Règne social du Christianisme, p. 72.)

Un autre, M. Bordas-Demoulin, cité par le précédent :

« La piété, la justice, la vertu étaient l’obéissance à la volonté du législateur. Le Juif ne s’informait point de ce qui était bon et mauvais en soi, mais de ce que Moïse avait dit. Ainsi agissait le Gentil touchant sa législation ; et Lycurgue, Numa, Solon… » (Lettre à l’archevêque de Paris sur les droits des laïques et des prêtres dans l’Église.)

C’est confondre les époques, et raisonner comme celui qui, prenant les fantaisies de la multitude pour l’esprit de la Révolution, soutiendrait qu’en 1789 et 1848 l’idée de liberté n’existait pas, et que l’empire l’a fait naître.

M. Franz de Champagny, catholique comme MM. Huet et Bordas-Demoulin, mais qui avait à déprimer le paganisme sous un autre point de vue, les réfute en ces termes :

« La morale philosophique de l’antiquité est presque toujours égoïste ; elle rapporte à nous-mêmes tous nos devoirs. C’est pour lui-même, c’est pour sa propre dignité, c’est pour son orgueilleuse satisfaction qu’elle forme et qu’elle conseille le sage. Tous les devoirs, ou à peu près, sont des devoirs de respect envers soi-même. Le sage sans doute doit être juste