Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nelle, chronique de l’homme. À quelle époque faire remonter cette déchéance ? Tous les mythes la reportaient à l’âge d’or.

Le christianisme affirma donc le principe de la chute, ce fut son second article de foi. Puis il se chargea de l’expiation, ce fut son troisième article. Tout le christianisme se résume dans cette trilogie : Dieu créateur, Dieu médiateur ou expiateur, Dieu sanctificateur. Le reste n’est véritablement qu’accessoire.

Ainsi, du spectacle de la dissolution sociale combiné avec l’idée de Dieu pris pour principe de la Justice naquit ce dogme terrible, que l’homme est foncièrement dépravé, porté à mal ; qu’il n’y a que peu, bien peu d’honnêtes gens, ou, pour mieux dire, qu’il n’y en a pas du tout, etc.

Dieu, en un mot, ayant été fait à priori substance et sujet de la Justice, l’homme devint le sujet du péché ; ou, ce qui revient au même, l’homme ayant été déclaré corrompu et malicieux par nature, le siége de la Justice dut être reporté en Dieu : cela est géométrique.

Traduisons cette pensée en termes généraux : nous touchons à la source de toutes les servitudes et abominations de la terre.

Le problème de la Justice, ai-je dit (Étude Ier, ch. ii), résulte de l’opposition entre la société et l’individu.

La Justice est le rapport de subordination qui les unit.

En vertu du principe que le tout est plus précieux que la partie, le membre fait pour l’animal, non l’animal pour le membre, il implique contradiction de supposer la société en révolte contre l’individu ; l’individu seul peut être dit révolté contre la société, comme l’expérience prouve qu’il l’est en effet. La société, par elle-même, est sainte, impeccable. Toutes les théories communautaires, faisant de l’individualisme la cause du désordre social,