Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/183

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Il faut que la rage de théologiser soit grande, pour que des zélateurs de cette Révolution aient pu y découvrir qu’elle émanait en droite ligne du dogme chrétien !

XXX

L’homme reste donc : à lui de nous fournir le sujet de la Justice, principe, règle et sanction de ses mœurs.

Placé en face de la nature, l’homme, par sa supériorité morale et le déploiement de ses facultés, engendre de lui-même son droit sur les choses ;

Par son activité, il crée son droit à l’exploitation de la terre, dont il fait son domaine, et par le travail son droit à l’appropriation ;

Par sa raison, il crée son droit à la science et à la manifestation de sa pensée ;

Par les affections de son cœur, il crée son droit à la famille et aux affections qui en découlent.

Mais, placé en face de l’homme, quel sera le droit de l’homme ? que peut-il être ? Ce ne sera pas une action, comme celle que l’homme exerce sur les choses et sur les animaux eux-mêmes : une telle action produirait aussitôt le conflit, constaterait le néant du droit.

Le droit de l’homme vis-à-vis de l’homme ne peut être que le droit au respect.

Mais qui déterminera, dans le cœur, ce respect ?

La crainte de Dieu, répond le législateur antique.

L’intérêt de la société, répondent les novateurs modernes, athées ou non athées.

C’est toujours placer la cause du respect, partant le principe du droit et de la Justice, hors de l’homme, et conséquemment nier ce principe même, en détruire la condition sine quâ non, l’innéité, l’immanence. Une Justice qui se réduit pour l’homme à l’obéissance sort de la vérité : c’est une fiction.