Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/314

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défend. Et moi je ne me dessaisirai pas non plus. Brissot, après Rousseau, a pu dire le mot, sans que cela tirât à conséquence : en matière philosophique, pour qu’il y ait appréhension, et partant propriété, il faut que l’idée, non le mot seul, ait été appréhendée, c’est-à-dire comprise ; sans cela elle reste dans l’indivision. La division du travail existait apparemment quand Adam Smith l’observa chez un fabricant d’épingles : ce qui n’empêche pas qu’on ne fasse honneur à Adam Smith de la priorité de l’observation. Que l’on me prouve que Brissot a su ce qu’il disait, et je passe condamnation ; sinon, j’accuse à mon tour Louis Blanc et Daniel Stern de calomnie ; qui pis est, de sottise.

La difficulté du problème consiste en ce que la propriété apparaît d’abord comme un fait aussi nécessaire à l’existence de l’individu qu’à la vie sociale, et qu’on démontre ensuite, par une analyse rigoureuse, que ce fait, indispensable, fécond, émancipateur, sauveur, est de même nature, quant au fond, que celui que la conscience universelle condamne sous le nom de vol.

De cette contradiction mise par moi dans tout son jour, et que l’on n’aurait jamais dû traîner sur la place publique, on a conclu que je voulais détruire la propriété. Détruire une conception de l’esprit, une force économique, détruire l’institution que cette force et cette conception engendrent, est aussi absurde que de détruire la matière. Rien n’existe en vue de rien ; Rien ne peut retourner à rien : ces axiomes sont aussi vrais des idées que des éléments.

Ce que je cherchais, dès 1840, en définissant la propriété, ce que je veux aujourd’hui, ce n’est pas une destruction, je l’ai dit à satiété : c’eût été tomber avec Rousseau, Platon, Louis Blanc lui-même et tous les adversaires de la propriété, dans le communisme, contre lequel je