Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/41

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malgré tant et de si formidables défections, est la seule légitime.

D’où vient alors qu’elle souffre de toute part contradiction ?

D’où vient que résumant dans son histoire et dans son dogme toute tradition et toute spéculation religieuse ; à ce titre pouvant revendiquer l’initiative et la propriété de tout ce qui constitue l’état social, en tant que fondé sur la religion, elle se voit souffleter par ses fils, traiter de prostituée par ses filles, tourner en ridicule par les plus petits de ses petits-enfants, contester jusqu’au pain qu’elle mange, jusqu’à la tombe qu’elle s’est choisie ?

Ah ! c’est que l’âme humaine, bien qu’elle se dise religieuse, ne croit en réalité qu’à son propre arbitre ; c’est qu’au fond elle estime sa Justice plus exacte et plus sûre que la justice de Dieu ; c’est qu’elle aspire à se gouverner elle-même, par sa propre vertu ; c’est qu’elle répugne à toute constitution d’Église, et que sa dévorante ambition est de marcher dans sa force et son autonomie.

La foi à la Justice propre, abstraction faite de toute piété, et même contrairement à toute piété : voilà ce qui, depuis le commencement du monde, soulève la guerre contre l’Église, et qui anime la Révolution.

Mais de là aussi la résistance que rencontre cette dernière. En tant qu’elle représente la Justice, essence de notre nature, la Révolution est tout ce que l’homme dans son orgueil estime, ce qui fait la vie et le mouvement des sociétés, et parfois ranime l’étincelle au cœur de l’Église même. Mais en tant qu’elle s’affran-