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enfoncées dans le sein, dans le ventre et la matrice, une jeune servante, dont le crime était d’avoir eu trop de complaisance pour le mari. Le lâche faisait sa paix en remplissant avec sa mégère l’office de bourreau. Un procès criminel était imminent ; mais le coupable était de bonne paysannerie, fermier, client de M. tel, qui était au mieux avec MM. tels et tels. Fallait-il, pour une vengeance féminine, causée par une peccadille maritale, porter la désolation, la honte, dans toute une famille honnête, considérée, pieuse ? On dédommagerait la malheureuse, on admonesterait le mari et la femme. Cela ne vaudrait-il pas mieux, pour la Justice, pour la religion, pour la morale publique, que le scandale d’une cour d’assises ?…

L’affaire fut étouffée. Combien j’en pourrais citer de semblables, surtout quand le coupable est membre du sacerdoce !… Mais je veux être aussi discret que vous. Indulgentiam, absolutionem et remissionem peccatorum nostrorum tribuat nobis omnipotens et misericors Dominus. Amen. Ceux que garde l’Église sont bien gardés. J’ai cité ce trait parce qu’il peint le tempérament bourgeois, honnête au fond et ennemi du bruit. Mais si cette manière de réparer les torts a ses avantages, n’a-t-elle pas aussi ses dangers ? Soustraction du coupable à la vindicte des

lois, soustraction de la morale. . . . . . . .

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XXXIV

C’est ainsi que dans le système chrétien la raison providentielle, subalternisant la raison juridique, est conduite à supprimer de partout la morale, remplacée par le régime de prédestination et de guerre.

Et c’est avec ce système d’immoralité dogmatique que l’Église se flatte de régénérer les sociétés, de consolider les États, d’éclairer la religion des princes, et de former