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Instruction V.
Questions à l’ordre du jour.


D. — Que feriez-vous le lendemain d’une révolution ?

R. — Inutile à dire. Les principes de la constitution économique et politique de la société sont connus : il suffit. Quant à l’application, c’est à la nation, à ses représentants, à faire leur devoir, en prenant conseil des circonstances.

La question du lendemain révolutionnaire préoccupe exclusivement les vieux partis, dont toute la pensée est d’arrêter le cataclysme, comme ils disent, en faisant la part du feu. C’est dans ce but qu’il a paru depuis six ans nombre de publications aristocratiques, catholiques, dynastiques, voire républicaines, dont les auteurs ne demandent pas mieux que de passer pour ennemis du despotisme et dévoués à la liberté. Il serait d’une grande innocence à la démocratie de prendre de pareils manifestes pour modèles, et de faire connaître ses projets.

D. — Que pensez-vous de la dictature ?

R. — À quoi bon ? Si la dictature a pour but de fonder l’égalité par des principes et des institutions, elle est inutile : il n’en faut pas d’autre que celle des 48 sections de Paris, appuyée par le peuple des 86 départements, et accomplissant son mandat en trois fois vingt-quatre heures. Si au contraire la dictature n’est à d’autre fin que de venger les injures du parti, de mettre les riches à contribution et de mater une multitude frivole, c’est de la tyrannie : je n’ai rien de plus à en dire.

La dictature eut de tout temps, elle a plus que jamais la faveur populaire. C’est le rêve secret de quelques fous, l’argument le plus fort que la démocratie puisse fournir à la conservation du régime impérial.

D. — Quelle est votre opinion sur le suffrage universel ?

R. — Tel que l’ont fait depuis 89 toutes les constitutions, le suffrage universel est l’étranglement de la conscience publique, le suicide de la souveraineté du peuple, l’apostasie de la Révolution. Un pareil système de suffrages peut bien, à l’occasion, et malgré toutes les précautions prises contre lui, donner au pouvoir un vote négatif, tel qu’a été le dernier