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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/197

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La race anglo-saxonne a les dents longues ; c’est un des traits qui la distinguent. Comme le léopard qui figure dans ses armoiries, elle est armée pour la conquête, sicut leo rapiens et rugiens. Ici, la physiologie nous donne le secret de la politique et l’explication de l’histoire. Le peuple anglais, malgré son développement industriel, est resté le plus aristocratique de tous les peuples, et le plus famélique ; le premier de ces caractères explique le second, et réciproquement. C’est en Angleterre que se voient les plus grosses fortunes et la plus effrayante misère ; là que se trouvent les plus énergiques producteurs, et les plus intrépides consommateurs. Le peuple anglais a énormément travaillé ; il a encore plus jeûné. L’utilitarisme est né en Angleterre : on peut dire qu’il est dans le sang anglais. Tous les philosophes, les moralistes, les théologiens, les romanciers, les hommes d’État de la Grande-Bretagne en sont pénétrés. C’est en France, dira-t-on, que l’économie politique a vu le jour ; Adam Smith a pris des leçons de Quesnay. Mais combien la France s’est laissé distancer par sa rivale ! Il est vrai que cette économie politique anglaise, malthusienne, cadre mal avec la déclaration des droits de l’homme : par tempérament, nous cherchons plutôt à égaliser la richesse qu’à consommer et à produire. Aussi, tandis que la cocarde tricolore laisse échapper ses conquêtes, ce que le léopard britannique a ravi, il ne le lâche plus : A nous la gloire, à lui le profit… Le plus beau triomphe qu’ait obtenu l’Angleterre a été de nous inoculer ses maximes : sur ce terrain de l’exploitation et de l’utilitarisme nous ne la vaincrons pas ; nous opérerons plutôt dix fois la descente de Brest à Plymouth.

L’Angleterre, qui n’intervient dans les affaires des autres pays que pour en obtenir des traités de commerce, qui promet son appui à ceux qui achètent ses marchandises, qui rêve de s’emparer de la Chine comme elle s’est