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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/32

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bon sens, de dépenser à la guerre, en hommes et en argent, plus que ne vaut l’objet même de la guerre. Une telle opiniâtreté serait blâmable, et dégénérerait en férocité.

Ceci posé, venons aux faits.

On raconte que la police papale, ne sachant comment venir à bout des brigands qui infestaient les états de l’Église, prit le parti de détruire les forêts qui leur servaient de repaire. Le déboisement produisit un fléau pire que le brigandage, la malaria. Ne voilà-t-il pas une police bien faite ? Et ceci ne montre-t-il pas toute l’incapacité du gouvernement ecclésiastique, d’un gouvernement à qui il n’est pas permis de tirer l’épée, même contre des brigands, sans doute par crainte de perdre leurs âmes ?

Mais voici qui est plus grave. Napoléon a accusé de vandalisme le gouverneur Rostopchin, qui, à l’approche des Français, mit le feu à la ville de Moscou ; il l’a cité au ban des nations civilisées. On demande ce qu’il faut penser de cet acte, que les uns traitent, avec Napoléon, de barbare ; que les autres qualifient d’héroïque.

Détruire son propre pays, brûler ses magasins, afin de laisser son ennemi dans le vide, c’est d’abord ne faire tort qu’à soi-même. Nul ne peut être tenu de nourrir son ennemi, et chacun est juge du prix qu’il attache à son indépendance et à sa liberté.

Mais, d’autre part, ce ne fut pas l’incendie de Moscou qui amena le désastre de l’armée française : les marches et les combats, depuis le Niémen, l’avaient réduite de plus des trois quarts, et même après l’incendie de la ville, les vivres et munitions ne lui manquèrent pas. Le sacrifice accompli par Rostopchin fut donc en pure perte. D’autre part, il y avait à considérer si la Russie, même après avoir perdu sa capitale, pouvait se croire en péril ; et Napoléon avait le droit de dire, en citant ses propres campagnes,