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Page:Proudhon - La Guerre et la Paix, Tome 2, 1869.djvu/73

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Question grosse de contradictions et à peu près insoluble, dans le système généralement suivi. Grotius et Vattel décident que, en vertu de la solidarité qui existe entre la nation et son gouvernement, les sujets de deux puissances en guerre sont ennemis. En conséquence, dit Vattel, les enfants, les femmes, les vieillards, sont au nombre des ennemis ; ils appartiennent au vainqueur, ce qui n’est du reste pas une raison pour celui-ci de les massacrer. Pinheïro-Ferreira se récrie contre cette doctrine, et il faut avouer que son opinion, quoique faiblement motivée en principe, dans la pratique plaît davantage.

Sans doute, peut-on dire avec lui, en bonne logique, il n’est pas possible de séparer ici la cause de l’État de celle des particuliers. Mais quoi ! Si la guerre n’est, comme on le prétend, qu’une substitution, arbitraire ou fatale, de la force à la justice ; si la victoire par elle-même ne prouve absolument rien ; si l’on ne peut admettre qu’en toute guerre le droit soit positivement égal des deux côtés ; si cette égalité n’est qu’une fiction de légiste ; si par conséquent la guerre se réduit le plus souvent à un fait de l’ambition, du machiavélisme ou de l’imbécillité des princes, faut-il rendre responsables de toutes ces folies tant d’innocents qui n’en peuvent mais ? Et ne serait-il pas d’une pratique plus humaine, n’aurait-on pas fait un grand pas vers la pacification définitive, de déclarer, d’un commun accord, les populations insolidaires, en temps de guerre, de la politique de leurs gouvernements ?

Je laisse au lecteur le soin de pousser cette controverse, qui peut donner lieu à de magnifiques développements oratoires, mais sans aboutir a aucune conclusion.

Pour moi, qui considère le mouvement des États comme une nécessité de l’histoire et la guerre comme un acte juridique, je dis simplement que, dans la guerre, il serait dangereux, impolitique, immoral de séparer les gouver-