Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/119

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Marrast, Garnier-Pagès, Marie, Arago, Duclerc, qui formaient la majorité du gouvernement, et avaient pour organe le National. La réaction ne frappait, il est vrai, d’une manière ostensible, que les démocrates les plus énergiques, saisis pêle-mêle et confondus dans la même razzia : Barbès, Albert, Sobrier, Blanqui, Flotte, Raspail, le général Courtais, et bientôt Louis Blanc et Caussidière. Mais si Ledru-Rollin et Flocon ne furent point atteints dans leurs personnes, leur influence périt au 15 mai comme celle de Louis Blanc avait péri au 16 avril. Dans les réactions politiques, l’insurrection et le pouvoir sous lequel elle arrive sont toujours solidaires.

Bientôt nous allons voir les républicains du National, derniers de la veille, tomber à leur tour et céder la place aux républicains du lendemain. Après ceux-ci viendront les doctrinaires, qui, s’emparant, au moyen d’une coalition électorale, du gouvernement de la République, croiront ressaisir un héritage usurpé. Enfin, la fortune réactionnaire donnant un dernier tour de roue, le gouvernement reviendra à ses auteurs, aux absolutistes catholiques, au delà desquels il n’est plus de rétrogradation. Tous ces hommes, obéissant au même préjugé, en tomberont tour à tour martyrs et victimes, jusqu’à ce qu’enfin la Démocratie, reconnaissant sa méprise, terrasse d’un seul coup du suffrage universel, tous ses adversaires, en choisissant pour représentants des hommes qui, au lieu de demander le progrès au pouvoir, le demandent à la liberté.

Au 15 mai, commence pour la Révolution de Février l’ère des vengeances politiques. Le gouvernement provisoire avait pardonné la tentative du 17 mars, pardonné celle du 16 avril... L’Assemblée nationale, malgré les avertissements de Flocon, ne pardonna pas le 15 mai. Les voûtes du donjon de Vincennes reçurent ces tristes victimes du plus exécrable préjugé, Blanqui, Barbès, dont la moitié de la vie