Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/243

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socier, sont plus libres que s’ils ne les échangeaient pas ; — ils le deviendront davantage encore, si, au lieu de l’échange en nature, ils adoptent, d’accord avec un grand nombre d’autres producteurs, un signe commun de circulation, tel que la monnaie. Leur liberté croît à mesure, je ne dis pas qu’ils s’associent, mais qu’ils font une permutation de leurs services : c’est encore une fois ce que j’appelle tour à tour liberté simple et liberté composée.

Or, de même que l’échange, sans la monnaie, serait devenu une cause et un moyen de servitude ; de même la monnaie, après avoir créé entre les individus et plus de liberté et plus d’action, les ramènerait bientôt à une féodalité financière et corporative, à une servitude organisée, cent fois plus insupportable que la misère antérieure, si, par un nouveau moyen, analogue à la monnaie métallique, on ne parvenait à remédier à cette tendance de subalternisation, et par conséquent à élever à un degré supérieur encore la liberté.

Tel est le problème que s’est proposé de résoudre la Banque du peuple.

C’est une vérité d’expérience que le numéraire, c’est-à-dire la valeur la plus idéalisée, la plus échangeable, la plus exacte ; celle qui sert à toutes les transactions, qui fut un instrument de liberté économique à l’époque où le commerce se faisait par échange, redevient un instrument d’exploitation et de parasitisme, lorsqu’à la faveur de la division du travail, l’industrie et le commerce ont acquis un haut degré de développement, et qu’ensuite, par une sorte de séparation des pouvoirs économiques, analogue à la séparation des pouvoirs politiques, les producteurs viennent à se classer en deux partis antagonistes, les entrepreneurs-capitalistes-propriétaires, et les ouvriers ou salariés.

Il s’agit donc de rendre à la liberté ceux que l’argent tient sous sa dépendance ; d’affranchir, en un mot, les serfs