Page:Proudhon - Les Confessions d'un révolutionnaire.djvu/40

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contradiction avec la théorie des révélateurs. On se tint un tout autre langage : Constituons au milieu de nous une Autorité qui nous surveille et nous gouverne, Constituamus super nos regem ! C’est ainsi que l’entendirent, au 10 décembre 1848, nos paysans, quand ils donnèrent leurs suffrages à Louis Bonaparte. La voix du peuple est la voix du pouvoir, en attendant qu’elle devienne la voix de la liberté. Aussi toute autorité est de droit divin : Omnis potestas à Deo, dit saint Paul.

L’autorité, voilà donc quelle a été la première idée sociale du genre humain.

Et la seconde a été de travailler immédiatement à l’abolition de l’autorité, chacun la voulant faire servir d’instrument à sa liberté propre contre la liberté d’autrui : telle est la destinée, telle est l’œuvre des Partis.

L’autorité ne fut pas plus tôt inaugurée dans le monde, qu’elle devint l’objet de la compétition universelle. Autorité, Gouvernement, Pouvoir, État, — ces mots désignent tous la même chose, — chacun y vit le moyen d’opprimer et d’exploiter ses semblables. Absolutistes, doctrinaires, démagogues et socialistes, tournèrent incessamment leurs regards vers l’autorité, comme vers leur pôle unique.

De là cet aphorisme du parti jacobin, que les doctrinaires et les absolutistes ne désavoueraient assurément pas : La révolution sociale est le but ; la révolution politique (c’est-à-dire le déplacement de l’autorité) est le moyen. Ce qui veut dire : Donnez-nous droit de vie et de mort sur vos personnes et sur vos biens, et nous vous ferons libres !…. Il y a plus de six mille ans que les rois et les prêtres nous répètent cela !

Ainsi, le Gouvernement et les Partis sont réciproquement l’un à l’autre Cause, Fin et Moyen. Leur destinée est commune : c’est d’appeler chaque jour les peuples à l’émancipation ; c’est de solliciter énergiquement leur initiative par